vendredi 4 mai 2018

Québec : le problème grave de réussite des garçons francophones

Marie Dumont revient sur les réactions liées à la publication d’une étude qui tend à démontrer qu’au Québec le taux de diplomation aux études secondaires a peu ou prou stagné, alors que les Ontariens ont vu leur taux augmenter considérablement depuis une décennie. Et ceci pour des dépenses sensiblement similaires.


Il n’y a pas de quoi être fiers de notre réaction collective face au désastre de la faible diplomation au Québec. Les citoyens ont blâmé le gouvernement comme un corps étranger et les politiciens ont joué leurs cartes pour marquer des points faciles sans avoir le courage de nommer les choses.

[Note du carnet : parmi les réactions pavloviennes, celles qui expliquent machinalement ces mauvais résultats en invoquant le fait que Québec a 20 % d’écoles privées en partie subventionnées. Selon cette critique, l’école privée attirerait les plus nantis et les plus doués. D’une part, les systèmes publics connaissent aussi un écrémage (géographique ou par des programmes particuliers) : gageons que les élèves des écoles publiques des banlieues cossues en Ontario ont de meilleurs résultats que ceux des milieux pauvres). D’autre part, plutôt que de vouloir limiter le choix scolaire et les écoles privées, il faut en faciliter l’accès aux élèves des milieux moins nantis grâce à des bons scolaires ou des bourses.]

Il y a un problème grave de réussite scolaire des garçons, en particulier des garçons francophones. Difficile de trouver les solutions étant donné qu’il est à peine permis de nommer le problème. Tout semble tabou. Un écart entre anglos et francos, un écart entre gars et filles, comment aborder ces réalités dans l’univers de la rectitude politique absolue ?

Les garçons ! Depuis belle lurette, une frange plus radicale du mouvement féministe conteste même le fait qu’on établisse un tel constat. Depuis le début des années 2000, on entend un bruit de fond à l’effet que ces thèses découleraient d’une volonté détournée d’attaquer le féminisme.


Négation

Ce discours féministe très poussé va jusqu’à nier des statistiques claires et jusqu’à fermer les yeux sur le drame que cela signifie pour la prochaine génération. Vous avez l’impression qu’il s’agit d’un point de vue marginal ? Je dois vous répondre qu’ils font suffisamment peur pour que bien peu de politiciens n’aient osé attaquer la chose de front durant des années. Qui risquera de se mettre à dos une féministe, même une fanatique, en 2018 ?


Encore cette semaine, les politiciens ont fait semblant de ne pas voir. On parle de budget et de bureaucratie. La CAQ propose une maternelle 4 ans pour tous les enfants.

Au mieux, certains osent glisser le mot garçon dans une phrase timide. Mais personne ne prend le taureau par les cornes. Personne n’ose dire que l’école n’est simplement pas faite pour les garçons.

Personne n’ose questionner les milliards investis dans les CPE, dont le but initial (et vite oublié) était de réduire significativement le décrochage. Personne n’ose dire que les fortunes que nous avons investies pour répondre aux demandes syndicales sur le ratio maître/élèves furent visiblement un coup d’épée dans l’eau.

Les anglos ?

Quant à l’écart entre anglophones et francophones, voilà la preuve qu’au-delà des médiocrités de notre ministère de l’Éducation, lorsque les parents et la communauté ont profondément à cœur l’éducation, cela fait une différence. Les Québécois francophones se fient à l’État. Nous sommes hypnotisés par la foi en l’État.

Nous donnons la moitié de notre paye à l’État. Nous nous fions à ce bon gouvernement pour s’occuper de l’éducation de nos enfants. Parce que la réussite de nos enfants, ce n’est plus notre affaire, c’est l’affaire d’un ministre, d’une bande de fonctionnaires, d’une commission scolaire et d’enseignants. « Ils sont payés pour ça ! »

Le gouvernement néglige l’éducation ? Nous avons le gouvernement que nous méritons. Et nous obtenons les résultats scolaires que nous méritons.

Le seul point positif : l’éducation s’installe comme un sujet électoral incontournable. Cette semaine, les quatre partis politiques se sont comportés comme des poules mouillées aveuglées face à des chiffres troublants. Il faudra mieux.

[Note du carnet : Notons que ce n’est pas un trait de tous les francophones. Les taux de diplomation avoisinent les 91 % chez les Franco-Ontariens contre 64 % pour les francophones au Québec. Mais l’école est au cœur de la communauté franco-ontarienne. L’école est y considérée comme un moyen de protéger la langue et de favoriser le développement de la francophonie en Ontario. Les parents y accordent une importance fondamentale à l’éducation. À l’instar des anglophones québécois et de plusieurs communautés culturelles au Québec, plus particulièrement asiatiques.]

Voir aussi

Boris Cyrulnik : l’école valorise la docilité des filles et dévalorise la hardiesse des garçons

Étude — Le divorce affecte grandement la santé mentale des enfants

L’indifférenciation sexuelle à l’école : cause de l’échec des garçons ?

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La non-mixité des classes en Grande-Bretagne et la remise en cause timide de la mixité en France

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Adapter l’école québécoise aux garçons ?

Selon l’étude intitulée L’Ennui (ou les difficultés) avec les garçons, basée sur des données détaillées sur près de 20 000 enfants américains pendant plus d’une décennie, n’a pas découvert de preuve décisive que l’échec croissant des garçons à l’école trouvait son origine dans des facteurs liés à l’école.

Au Québec, 32,9 % des enfants âgés de 0 à 14 ans vivaient dans des familles non traditionnelles (soit dans une famille monoparentale, une famille recomposée ou sans leurs parents), une proportion un peu plus élevée que celle observée pour le Canada dans son ensemble (30,3 %) en 2016. Toutefois, la progression selon l’âge des enfants était la plus importante au Québec, comparativement aux autres provinces. Dans cette province, la différence entre les enfants d’âge préscolaire et les enfants plus âgés était de 19,2 points de pourcentage (23,0 % chez les enfants âgés de 0 à 4 ans par rapport à 42,2 % chez les enfants de 10 à 14 ans). En comparaison, cette différence était de 12,7 points de pourcentage pour le Canada dans son ensemble (23,5 % chez les enfants âgés de 0 à 4 ans par rapport à 36,2 % chez les enfants âgés de 10 à 14 ans).


Cette différence plus marquée entre les enfants plus jeunes et ceux plus âgés au Québec peut être attribuable à la plus grande instabilité des unions libres, ce type d’union étant plus populaire au Québec qu’ailleurs au Canada (à l’exception du Nunavut), plutôt qu’à un plus grand nombre de naissances hors union


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